Adrian Mutu en conférence de presse en Suisse, jeudi dernier.
Le joueur vedette de l'équipe roumaine peut gagner un match à lui
tout seul. Mais dans la vie, son caractère fantasque lui joue des tours.En Italie, on l'a baptisé «il Fenomeno», le phénomène. En Roumanie, où il
est l'idole de tout un peuple, c'est «Briliantul», le brillant, ou
«Dinamita», la dynamite. Dans la vie de tous les jours, il s'appelle
Adrian Mutu et il sera l'ennemi numéro un des Bleus ce soir. Parce que
le leader de l'attaque roumaine est capable de faire basculer le match
sur une inspiration géniale.
«Mutu rappelle beaucoup l'Italien
Totti, c'est un attaquant complet avec des qualités physiques
exceptionnelles, une grande pointe de vitesse et une bonne frappe des
deux pieds », explique Cornel Dinu, son ex-entraîneur du Dinamo
Bucarest à la fin des années 1990. «C'est un joueur techniquement très
fort, ajoute le gardien français Sébastien Frey, qui évolue avec lui à
la Fiorentina. Mais il est très individualiste. Si on arrive à le
bloquer, il peut s'énerver et devenir très prévisible.» Peut-être,
mais cette saison peu de défenseurs y sont parvenus : dans le Calcio,
il a fini troisième meilleur buteur avec 17 réalisations. Avec sa
sélection, il a marqué 6 buts lors des éliminatoires de l'Euro. Un vrai
chasseur de buts donc, doté d'un sacré caractère. À 18 ans, alors qu'il
évoluait déjà en première division roumaine à Pitesti, il avait
carrément refusé d'être remplacé en cours de match. «Quand il est
arrivé en sélection, il n'a pas hésité à me bousculer plusieurs fois
lors d'un entraînement, raconte Gheorghe Popescu, légende roumaine qui
jouait dans les années 1990 avec Hagi. J'ai tout de suite appelé son
agent pour dire : “Il ose tout, ce sera un très grand.”» Le
sélectionneur, Victor Piturca, a lui aussi senti très tôt ce potentiel.
Entraîneur des espoirs roumains entre 1996 et 1998, il avait confié le
brassard de capitaine à un certain Mutu. Quitte à le rappeler à l'ordre
fréquemment. Car le successeur de Hagi est aussi un fêtard impénitent
aux caprices de star. Il y a trois ans, la veille d'un match contre la
Côte d'Ivoire, Piturca avait surpris à 5 heures du matin Mutu et Chivu,
l'autre pilier de l'équipe, en train de vider quelques verres. Une
autre fois, lors d'une tournée aux États-Unis, le sélectionneur avait
dû renvoyer Mutu, car le fantaisiste attaquant souhaitait aller passer
quelques jours à Miami où sa femme avait une maison. L'idole de la
Fiorentina a aussi été mêlée à un scandale avec une vedette de film
porno.
Positif à la cocaïne en 2004Bref, voilà un personnage haut en couleur comme le football sait en
fabriquer. Un joueur d'un goût exquis dont la sonnerie de portable est
la chanson que les supporteurs de la Fiorentina ont composée en son
honneur. Un homme-sandwich qui a accepté moyennant deux millions
d'euros d'être le sujet d'un programme télé hebdomadaire comportant une
vingtaine d'épisodes. De la visite de sa maison à Florence à ses
après-midi shopping avec sa femme chez Van Cleef & Arpels, on
apprend tout de sa vie sur Kanal D. «J'ai vu une fois dix minutes de
l'émission. Personnellement, je ne raconterai pas ce qui se passe chez
moi», estime le président de la Fédération roumaine de football, Mircea
Sandu, qui a pourtant les yeux de Chimène pour son joueur vedette. Si
Mutu ouvre les portes de sa vie privée, c'est aussi qu'il a besoin
d'argent. En plus de toutes ses frasques, il a été contrôlé positif à
la cocaïne en 2004 quand il jouait à Chelsea. Et le club londonien
vient d'obtenir auprès de l'UEFA que le joueur lui verse 12 millions
d'euros pour atteinte à son image. Comme une mauvaise nouvelle n'arrive
jamais seule, Mutu a été très affecté par le décès de sa grand-mère
maternelle, survenu vendredi. Malgré ces deux coups durs, la star des
Carpates croit à un exploit à l'Euro : «Je suis sûr que les parieurs se
demandent si ça vaut le coup de miser sur nous. Je pense que oui, ils
pourraient certainement faire pire.» Si avec cela les Bleus n'ont pas
entendu le message…